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Le doute profite au salarié (à propos de CA Nancy, 10 juill. 2025, n° 24/01913)

Le doute profite au salarié (à propos de CA Nancy, 10 juill. 2025, n° 24/01913)

 

En matière disciplinaire, la conviction de l’employeur ne saurait suppléer l’absence de preuve.

 

Pour être justifié, le licenciement doit en effet reposer sur une cause réelle et sérieuse qui doit prendre appui sur des faits concrets, objectivement établis (art. L. 1232-1 du Code du travail).

 

Lorsqu’un doute persiste sur la matérialité du grief, celui-ci profite au salarié (art. L1235-1 du Code du travail) ; d'autant plus en matière de licenciement pour faute grave, dans la mesure où le fardeau de la preuve repose sur l'employeur. 

 

La Cour d’appel de Nancy rappelle ce principe dans une décision du 10 juillet 2025, relative au licenciement d’un salarié soupçonné d’avoir fumé du cannabis sur son lieu de travail.

 

En l’espèce, le salarié, affecté à un poste à risques soumis à un suivi médical renforcé, avait été licencié pour faute grave en raison du fait que son supérieur l’avait surpris, sur son lieu de travail et pendant ses horaires de travail, avec un « joint » à la main et une forte odeur de cannabis.

 

Le salarié contestait les faits, expliquant que sa cigarette, et non un « joint », pouvait avoir dégagé une telle odeur.

 

Un test salivaire avait été immédiatement pratiqué, mais celui-ci n’avait réagi ni positivement ni négativement, ne permettant donc aucune conclusion fiable. Le salarié, informé de la possibilité d’une contre-expertise, avait choisi de ne pas y recourir.

 

Malgré cette absence de résultat probant, l’employeur avait néanmoins retenu la faute grave, se fondant notamment sur ce qu’il qualifiait dans la lettre de licenciement de « doute persistant » quant à une consommation de cannabis pendant le temps de travail.

 

Saisie du litige, la Cour d’appel de Nancy a infirmé le jugement du Conseil de prud’hommes en jugeant le licenciement comme dénué de cause réelle et sérieuse.

 

Les juges soulignent ainsi qu’il ne ressort pas du dossier que le salarié avait reconnu avoir fumé du cannabis, ni que le test salivaire pratiqué sur sa personne avait révélé la consommation de cette substance.

 

La Cour ajoute que les circonstances invoquées – l’odeur perçue par le directeur de l’usine et la remarque du salarié selon laquelle sa cigarette pouvait en avoir l’odeur – sont insuffisantes pour caractériser la matérialité du grief selon lequel il aurait consommé du cannabis.

 

Cette décision, conforme au Code du travail, s’inscrit dans une jurisprudence constante : le doute profitant au salarié, l’employeur doit établir, par des éléments tangibles et vérifiables, la réalité du comportement fautif qu’il mentionne au soutien du licenciement.

 

Une simple suspicion, même nourrie de bonne foi, ne saurait fonder un licenciement disciplinaire (qu’il soit pour cause réelle et sérieuse ou, a fortiori, pour faute grave).

 

Jonathan KOCHEL, Avocat en droit du travail et contentieux commercial

Publié le 08/10/2025

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