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Le paiement des congés payés non pris (1ère partie)

Le paiement des congés payés non pris (1ère partie)

Les congés payés doivent en principe être pris par le salarié, qui ne peut en exiger le report sur l'année N+1 ou en demander le paiement dans l'hypothèse où il ne les aurait pas pris.

 

Autrement dit, l'employeur a l'obligation de mettre ses salariés en possibilité de prendre leurs congés et lesdits salariés ont l'obligation de prendre concrètement leurs congés.

 

L’employeur et le salarié ne peuvent se mettre d’accord pour remplacer un jour de congé par son indemnisation.

 

Ce principe de non-indemnisation du congé payé non pris connaît néanmoins certaines dérogations :

 

1°/ Ainsi par exemple, en cas de rupture du contrat de travail (en cas de démission ; de licenciement, même pour faute grave ou faute lourde depuis une décision du Conseil constitutionnel n° 2015-523 du 2 mars 2016 ; au terme d’un CDD), les jours de congés acquis pendant la période de référence en cours mais non utilisés, donneront droit à une indemnité, dite indemnité compensatrice de congés payés (qui a la nature de salaire).

 

 

2°/ Par ailleurs, si le salarié a été dans l’impossibilité de prendre ses jours de congés du fait de l’employeur, il pourra prétendre à une indemnisation de son préjudice (qui a la nature de dommages-intérêts).

 

Il s’agit donc dans cette hypothèse de dommages-intérêts et non d’une indemnité compensatrice de congés payés qui a quant à elle la nature de salaire.

 

En effet, en principe, selon la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, l'indemnité de congés payés, qui a la nature de salaire, ne peut pas se cumuler avec le salaire proprement dit ; aussi, le salarié qui n'a pas pris son congé pendant la période prévue et qui a au contraire travaillé au service de son employeur, ne pourra pas ultérieurement réclamer une indemnité compensatrice de congés payés qui s'ajouterait au salaire qu’il a perçu pendant ladite période.

 

Autrement dit, le salarié qui n'a pas pris ses congés acquis au titre d'une période considérée, perd son droit à congé et ne peut réclamer en principe le paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés à ce titre (dans la mesure où il a déjà été rémunéré de la période considérée au cours de laquelle il a travaillé). Le salarié pourra en revanche solliciter des dommages-intérêts à hauteur de son préjudice (préjudice résultant d’une non prise des jours de repos), s’il a été placé dans l’impossibilité de prendre ses congés du fait des fautes de l’employeur (Cass. soc. 16-10-2001 n° 99-44.049).

 

Cette indemnité (en dommages-intérêts) peut, dans les faits, être égale à celle de l'indemnité compensatrice de congés payés (en salaires). Le Conseil de prud'hommes dispose en la matière d'un pouvoir de libre appréciation (appréciation souveraine des juges du fond, à savoir les juges du Conseil de prud'hommes et les juges d'appel). 

 

Pour échapper à une éventuelle condamnation, l'employeur devra prouver quant à lui qu'il a respecté les obligations mises à charge par le Code du travail, notamment celle en vertu de laquelle la période de prise des congés payés est portée par l'employeur à la connaissance des salariés au moins deux mois avant l'ouverture de cette période et celle en vertu de laquelle l'ordre des départs en congé est communiqué, par tout moyen, à chaque salarié un mois avant son départ. Ainsi la charge de la preuve pèse essentiellement sur l’employeur (Cass. soc. 18-3-2015 n° 13-17.763). 

 

 

3°/ Un autre exemple de dérogation, concerne l'accord de l'employeur de reporter des congés payés non pris au cours d’une année.

 

Selon l’article L.3141-1 du Code du travail, « Tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l'employeur » ; le droit a congés est donc annuel (avec par exemple la période de référence d'acquisition des congés du 1er juin de l’année N-1 au 31 mai de l’année N et la période de prise des congés qui doit comprendre obligatoirement la période du 1er mai au 31 octobre).

 

Par ailleurs, comme nous l’avons vu précédemment, ce congé doit être exercé en nature (c'est-à-dire que le salarié doit bénéficier concrètement de ses jours de congés) et ne peut donc, en principe, être substitué par une indemnité compensatrice ; il en va du droit au repos du salarié.

 

Ainsi, sauf exceptions, ni l'employeur (qui a l'obligation de mettre son salarié en possibilité de profiter concrètement de ses congés), ni le salarié (qui est tenu en principe de prendre ses congés), ne peuvent exiger le report de tout ou partie des congés d’une année N sur l'année N+1.

 

Autrement dit, les congés payés doivent être pris en principe pendant la période des congés considérée, sous peine d'être perdus, sous réserve de l’indemnisation étudiée précédemment dans l’hypothèse où les congés perdus l’auraient été du fait de l’employeur qui aurait placé le salarié dans l’impossibilité de bénéficier concrètement desdits jours de congés.

 

Cependant, la loi et la jurisprudence prévoient la possibilité de déroger à ce principe de non report des congés d’une année sur l’autre (ainsi par exemple le salarié qui revient d'un congé maternité ou d'un congé d'adoption a droit au report de ses congés non pris ; ce report est également possible lorsque les congés n'ont pas pu être pris en raison d'un arrêt maladie intervenu avant la prise des congés et ce, qu'il s'agisse d'une maladie simple, d'une maladie professionnelle, d'un accident du travail ou d'un accident de trajet ; enfin, un tel report est possible, sous conditions, par accord collectif en cas d'annualisation du temps de travail). 

 

Par ailleurs, les parties peuvent se mettre d’accord pour que les congés se cumulent d’une année sur l’autre.

 

Cet accord entre l’employeur et le salarié peut n’être que tacite : tel sera par exemple le cas, dans l’hypothèse de la mention sur le bulletin de salaire du solde des congés payés acquis au titre d'une période antérieure à la période de référence en cours.

 

Ainsi, la mention sur les bulletins de salaire d'un salarié du solde de ses congés payés acquis au titre de la période antérieure à la période de référence en cours à la date de la rupture du contrat de travail vaut accord (implicite) de l'employeur pour le report des congés payés sur cette dernière période, si bien que le salarié peut en solliciter le paiement (Cass. soc. 26-3-2014 n° 12-23.634).

 

Dans une telle hypothèse, le salarié a donc droit à une indemnité compensatrice de congés payés (en salaires donc), bien que le solde de congés payés litigieux ait été acquis au titre de la période antérieure à la période de référence en cours à la date de la rupture du contrat de travail (Cass. soc. 27-9-2007 n° 06-41.744)

 

La Cour de cassation réaffirme ainsi que l'accord de l'employeur, qui peut n'être qu'implicite, permet d'échapper à la règle de l'annualité des congés payés fixée par l'article L. 3141-1 du Code du travail précité.

 

L’arrêt du 27 septembre 2007 susvisé ne vient au demeurant que confirmer ce faisant une jurisprudence plus ancienne : ainsi, la Chambre sociale de la Cour de cassation avait déjà jugé que n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, la Cour d'appel qui, ayant relevé que l'employeur avait reconnu sur les bulletins de salaire que des congés payés restaient dus au titre d'une période antérieure, a débouté le salarié de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés afférente, au motif que la mention du droit à congés sur les bulletins de salaire au-delà de la période de référence ne prouvait pas que l'employeur se soit opposé à la prise desdits congés par le salarié pendant la période de congés antérieure (Cass. soc. 30-3-1999 n° 97-41.257).

 

Concernant les délais de prescription applicables en la matière, vous pouvez consulter l'article "Le paiement des congés payés non pris (2ème partie : la prescription)".

 

Jonathan KOCHEL, Avocat en droit du travail (nov. 2018)

Publié le 12/11/2018

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